Pourquoi le monde de l'UX n'a découvert le Jobs To Be Done que récemment ?
Pendant longtemps, les designers et spĂ©cialistes de l'UX se sont concentrĂ©s sur la fonctionnalitĂ© et lâesthĂ©tique des interfaces, rĂ©pondant Ă la demande de simplicitĂ© et de fluiditĂ©.
Ce nâest quâavec lâexplosion de la complexitĂ© des parcours clients et la fragmentation des points de contact numĂ©riques que les praticiens ont Ă©tĂ© confrontĂ© Ă la nĂ©cessitĂ© de comprendre les motivations plus profondes des utilisateurs.
Dans ce contexte, le JTBD est apparu comme une grille de lecture plus stratĂ©gique, qui permettrait de reconnecter les entreprises avec le « pourquoi » derriĂšre les actions des utilisateurs.Â
Mais il a aussi révélé ses limites : une compréhension essentiellement déclarative qui ne plonge pas dans la réalité émotionnelle et cognitive des décisions humaines.
Le Jobs To Be Done, une vision (trop) simplifiée du besoin client
Le Jobs To Be Done a Ă©tĂ© une bouffĂ©e dâair frais pour de nombreuses entreprises, car il propose de sortir du focus produit pour se centrer sur lâobjectif rĂ©el du client.
Par exemple, Clayton Christensen a aidé un constructeur de maisons à comprendre que le « Job To Be Done » de ses clients n'était pas simplement d'acheter une maison neuve, mais de déménager, de potentiellement « changer de vie », un processus souvent source de stress. Sur la base de cette compréhension, le constructeur a ajouté des services de déménagement et de garde-meubles, ce qui a immédiatement boosté ses ventes.
Cette approche illustre bien la force du Jobs To Be Done : il identifie des aspects Ă©motionnels et contextuels que lâon pourrait ignorer si lâon se concentrait uniquement sur le produit. Pourtant, cette comprĂ©hension reste superficielle.
Elle sâappuie sur des questions et des rĂ©ponses conscientes, et n'explore pas les motivations plus profondes, celles qui restent en dehors du discours explicite des clients. En posant quelques questions ciblĂ©es, le Jobs To Be Done capture des Ă©lĂ©ments de la rĂ©alitĂ© du client, mais il ne pĂ©nĂštre pas la complexitĂ© de ses comportements.
De la déclaration au comportement réel : un fossé considérable
La mĂ©thodologie Jobs To Be Done repose sur lâidĂ©e que les consommateurs savent pourquoi ils agissent comme ils le font et sont capables de verbaliser ces raisons.
Parmi les questions courantes pour trouver les Jobs To Be Done, on trouve souvent :
- « Quand avez-vous réalisé que vous aviez besoin de [produit/service] ? »
- « Quelle situation ou problÚme vous a poussé à chercher une solution ? »
- « Quels autres produits ou services avez-vous envisagés ? »
- « Qu'est-ce qui vous a frustré dans votre maniÚre de faire avant ? »
- « Qu'est-ce qui vous a finalement convaincu de choisir [produit/service] ? »
- « Comment utilisez-vous [produit/service] au quotidien ? »
Ces questions permettent de dessiner une trajectoire de décision, mais elles présument que le client a une conscience claire de ses propres motivations.
En réalité, les études en neurosciences et en psychologie montrent que 95 % de nos décisions sont influencées par des mécanismes non conscients.
Lorsque lâon demande Ă un client de justifier son choix, il fournit souvent des explications a posteriori, qui sont plus des rationalisations que des descriptions exactes de ses motivations.
Ce décalage entre les déclarations des clients et leurs comportements réels montre bien la limite du Jobs To Be Done. Il capte la surface, mais ne plonge pas dans les réflexes et les habitudes profondes qui influencent les décisions.
Câest la grande diffĂ©rence entre le JTBD et une approche centrĂ©e sur la performance par les comportements : lĂ oĂč le JTBD se contente de quelques questions pour dĂ©voiler les intentions apparentes du client, une analyse comportementale cherche Ă identifier ce qui ne se dit pas.
Le profilage comportemental : une plongĂ©e au cĆur des motivations profondes
Pour aller au-delĂ des dĂ©clarations de surface, il est nĂ©cessaire de se doter dâoutils et de mĂ©thodes capables de dĂ©coder les comportements rĂ©els des consommateurs.
Cela signifie observer, mesurer et analyser les rĂ©actions Ă©motionnelles, les habitudes et les rĂ©flexes ancrĂ©s, ⊠Contrairement aux entretiens JTBD, qui se limitent Ă la parole, le profilage comportemental sâintĂ©resse Ă ce qui Ă©chappe au client lui-mĂȘme.
Pourquoi la performance passe par les comportements, pas par les intentions ?
Lâenjeu pour les entreprises, câest de saisir la vĂ©ritable dynamique qui se joue entre le client et la marque. Un client ne choisit pas un produit uniquement parce quâil a identifiĂ© un besoin rationnel. Il le fait parce quâil ressent une affinitĂ©, une sĂ©curitĂ©, ou mĂȘme parce que le geste lui paraĂźt naturel, presque automatique. Cette dynamique est au cĆur de la performance.
La performance par les comportements consiste à concevoir des parcours et des offres qui répondent aux instincts et aux attentes émotionnelles de maniÚre fluide. En favorisant une expérience intuitive, en anticipant les moments de doute et en minimisant les frictions, on ancre un produit ou un service dans la vie des consommateurs.
Les étapes pour une stratégie expérience client basée sur les comportements
Et n'hĂ©sitez pas Ă mesurer ce qui est non dit : investissez dans des technologies permettant de capter les signaux Ă©motionnels et physiologiques des clients pour mieux comprendre les moments dâadhĂ©sion et de rejet.
Le Jobs To Be Done, une bonne intention, mais une compréhension incomplÚte
Le Jobs To Be Done a eu le mĂ©rite de remettre lâhumain au centre de la stratĂ©gie dâentreprise.
Mais en sâappuyant trop sur des dĂ©clarations conscientes, il reste Ă la surface des choses.
Pour crĂ©er des expĂ©riences vĂ©ritablement diffĂ©renciantes et saisir la complexitĂ© des dĂ©cisions humaines, il est essentiel de plonger au-delĂ des mots, dans lâunivers des comportements.
Les entreprises qui parviendront Ă dĂ©coder cette rĂ©alitĂ© cachĂ©e et Ă ajuster leurs stratĂ©gies en fonction de ces insights comportementaux seront celles qui rĂ©ussiront Ă se dĂ©marquer durablement. Ce nâest pas le « job » que le client dit vouloir accomplir qui importe, mais les chemins neuronaux qui le guident vers ce choix.