Les entreprises nâont jamais autant parlĂ© dâintelligence artificielle. Elles y voient un levier dâoptimisation, de personnalisation, de prĂ©diction. Elles y investissent massivement, espĂ©rant automatiser la performance. Mais âŠ
Mais une autre forme dâintelligence, tout aussi stratĂ©gique, reste sous-exploitĂ©e : lâintelligence comportementale. Celle qui permet de comprendre comment pense, ressent, agit et rĂ©agit un client, dans le monde rĂ©el comme dans le monde numĂ©rique. Celle qui permet d'expliquer pourquoi il fait ce qu'il fait.
Et aujourdâhui, il est temps de dire les choses clairement : sans Intelligence Comportementale, lâIA ne peux pas tenir ses promesses.
Deux intelligences. Un seul modÚle : les poupées russes.
IA et intelligence comportementale ne sont pas concurrentes. Elles sont emboßtées, comme deux poupées russes.
LâIA traite les donnĂ©es, repĂšre des patterns, prĂ©dit.
Lâintelligence comportementale comprend ce qui produit ces donnĂ©es : les Ă©motions, les frictions, les dĂ©clencheurs.
Lâune sans lâautre ? Câest comme modĂ©liser une carte sans comprendre le terrain.
Les donnĂ©es vous disent ce que les clients ont fait. Mais si vous ne savez pas ce quâils pensaient au moment de le faire, vous nâexploitez que la moitiĂ© du potentiel.
Lâillusion de la toute-puissance de lâIA
L'IA impressionne. Elle dĂ©tecte, segmente, optimise. Elle bat les champions du monde d'Ă©checs ou de go, diagnostique des cancers invisibles, prĂ©dit des comportements. Certains lui prĂȘtent mĂȘme une forme de crĂ©ativitĂ©.
Mais elle ne comprend pas ce qu'elle fait. Elle ne pense pas. Elle simule l'intelligence humaine, sans jamais l'éprouver.
C'est ce qu'éclaire avec finesse Etienne Klein dans une intervention brillante : l'IA est asémantique. Elle aligne des mots qu'elle ne comprend pas. Elle prédit la suite d'une phrase, sans idée de vérité, de cohérence ou de pertinence. Elle produit parfois des réponses intelligentes, mais elle ne sait pas pourquoi elles le sont.
Et surtout, elle ne peut pas dire : « qu'est-ce qui se passerait si... ». Autrement dit, elle ne réfléchit pas. Elle calcule.
Origine de l'IA : un mot plus marketing que scientifique
Le terme « artificial intelligence » a été inventé en 1956 par John McCarthy, lors de la fameuse conférence de Dartmouth.
Il le dĂ©finit comme : « La science et lâingĂ©nierie de la fabrication de machines intelligentes. »
Mais attention : dĂšs lâorigine, le mot « intelligence » dans « intelligence artificielle » nâa rien Ă voir avec la conscience ou la pensĂ©e humaine.
Il dĂ©signe la capacitĂ© Ă rĂ©soudre des problĂšmes, Ă apprendre, Ă raisonner â le tout de maniĂšre simulĂ©e.
C'était un terme ambitieux, presque marketing, pour attirer l'attention sur un champ de recherche naissant. Et ça a fonctionné. Mais ça a aussi créé 70 ans de confusions : non, l'IA n'est pas une pensée autonome. C'est un systÚme de traitement adaptatif.
L'IA ne comprend rien, mais elle gÚre la complexité avec efficacité. Ce qui est utile. Mais incomplet.
IA + IC (Intelligence Comportementale) : les vrais leviers de performance
Ce quâon attend dâune organisation performante, ce nâest pas quâelle sache analyser le passĂ©. Câest quâelle sache agir dans le prĂ©sent pour influencer lâavenir.
Et ça, seules les sciences comportementales le permettent. Pourquoi ? Parce quâelles sâintĂ©ressent aux mĂ©canismes derriĂšre les donnĂ©es :
- les biais cognitifs,
- les heuristiques,
- les micro-frictions,
- les perceptions de l'effort ou du risque,
- les déclencheurs implicites,
- les modélisations mentales et la charge cognitive.
Câest cette couche comportementale qui permet de rendre lâIA utile, actionnable, humaine.
Une IA qui optimise un script de vente mal calibrĂ© cognitivement nâamĂ©liore pas la conversion.
Une IA qui personnalise un parcours anxiogĂšne ne crĂ©e pas dâengagement.
Une IA qui automatise une décision incomprise génÚre de la défiance.
Câest dans lâinterprĂ©tation comportementale que rĂ©side le levier de performance globale : relationnelle, commerciale, expĂ©rientielle.
Rappel brutal : vous travaillez pour des humains
Ce point semble Ă©vident. Il ne lâest plus.
La plupart des décideurs que je rencontre ont des dashboards, des KPI, des matrices stratégiques.
Mais ils ne savent plus comment leurs clients décident.
Ils oublient que :
- 95 % des comportements sont non conscients,
- LâexpĂ©rience rĂ©elle dĂ©pend plus du contexte que du produit,
- Ce qui est mesurable nâest pas toujours ce qui est dĂ©cisif,
- La valeur perçue est souvent déconnectée de la valeur objective.
Sans intelligence comportementale, vous naviguez dans les donnĂ©es avec une boussole magnĂ©tique au milieu dâun champ Ă©lectrique.
Le vrai enjeu : réconcilier la puissance et le sens
LâIA est appelĂ©e Ă transformer les mĂ©tiers, les compĂ©tences, les chaĂźnes de valeur. Elle est dĂ©jĂ incontournable.
Mais pour ĂȘtre durablement performante, cette puissance doit ĂȘtre emboĂźtĂ©e dans une logique humaine.
Celle qui :
- respecte les limites cognitives de vos clients,
- reconnaĂźt la charge mentale de vos collaborateurs,
- conçoit des parcours compatibles avec la psychologie humaine,
- met le comportement au centre des dispositifs technologiques.
Ce nâest pas plus dâIA quâil vous faut. Câest plus dâhumanitĂ© intĂ©grĂ©e dans vos choix techniques.
Conclusion : la performance nâest pas dans les algorithmes, mais dans leur emboĂźtement avec le cerveau humain
LâIA ne rĂ©flĂ©chit pas. Elle ne sent pas. Elle nâargumente pas.
Elle simule lâintelligence humaine, mais ne la dĂ©montre pas.
Lâintelligence comportementale, elle, explique, anticipe, influence.
Les organisations les plus efficaces demain seront celles qui sauront articuler les deux :
- LâIA comme moteur,
- Le comportement comme boussole,
- Lâhumain comme vĂ©ritable centre de gravitĂ©.
Ce nâest pas une opposition. Câest un emboĂźtement stratĂ©gique.
Comme deux poupées russes.
Et câest la plus petite â celle quâon ne voit pas tout de suite â qui contient le sens.