En voilĂ une bien Ă©trange question. En effet, depuis lâenfance, on nous apprend que la beautĂ© dâun coucher de soleil, les couleurs que nous voyons ⊠sont Ă lâextĂ©rieur de nous-mĂȘmes.
Nous avons en effet tous lâimpression bien ancrĂ©e que ce que nous voyons avec nos yeux est lâimage fidĂšle de la rĂ©alitĂ© du monde extĂ©rieur. Cette illusion est pourtant bien loin de la rĂ©alitĂ© neurophysiologique.
En effet, que ce soit lorsquâils utilisent votre site, votre app mobile ou quâils passent un moment dans une de vos boutiques, vos clients ne voient pas et ne regardent pas avec leurs yeux, mais bien avec leur cerveau. Ce dernier se sert des yeux comme simple instrument optique pour rĂ©colter dans le monde extĂ©rieur les informations dont il a besoin.
Si « voir » et « regarder » signifient tous deux « percevoir par les yeux », il existe cependant une différence fondamentale dans le cerveau de vos clients entre ces deux actions.
« Regarder » est la rĂ©sultante de lâintention du cerveau de collecter des informations dĂ©taillĂ©es dans une partie prĂ©cise de son champ de vision. Pour cela le cerveau utilise la vision fovĂ©ale, sorte de capteur Full HD de lâĆil, sur une toute petite portion du champ visuel.
La vision fovéale
La vision fovĂ©ale permet Ă coup dâarrĂȘts rapides de lâĆil (entre 100 ms et 400 ms) de capturer seulement 3 Ă 4 images par seconde en trĂšs haute-rĂ©solution. Pour passer dâun point Ă un autre, les yeux effectuent sans cesse des micro-mouvements brefs et rapides : les saccades (en moyenne 3 par seconde).
LâĆil est constituĂ© de cĂŽnes et de bĂątonnets. La rĂ©partition de ces capteurs sur la rĂ©tine fait que lâĆil est capable de capter des informations nettes dans un angle de 3°.
A 50 cm de distance dâun Ă©cran desktop (moyenne observĂ©e en ergonomie physiologique), la zone nette de vision reprĂ©sente un rond de +/- 2,5 cm de diamĂštre : câest la vision fovĂ©ale.
La vision périphérique
A lâinverse, « voir » est un acte passif qui va fournir Ă notre centrale cĂ©rĂ©brale jusquâĂ 100 images par seconde mais cette fois, en trĂšs basse rĂ©solution. A lâaide de la vision pĂ©riphĂ©rique, le cerveau peut couvrir quasiment lâensemble du champ visuel et dĂ©tecter trĂšs vite le moindre mouvement, mĂȘme de nuit.
Mais attention, votre Ćil doit ĂȘtre Ă©troitement tenu ⊠à lâĆil. Car imaginer que vous voyez net est un tour de plus que vous joue votre cerveau ! En effet, 97% des informations visuelles que celui-ci reçoit proviennent de la vision pĂ©riphĂ©rique et sont ⊠floues. L'illusion trĂšs rĂ©pandue dâune vision nette en permanence est ⊠un leurre.
Pour mieux vous rendre compte de ce que vous voyez vraiment net, tendez votre bras devant vous avec le pouce levé vers le haut.
La taille de votre ongle reprĂ©sente la zone oĂč lâacuitĂ© visuelle est la plus Ă©levĂ©e â la vision fovĂ©ale â tout le reste devient progressivement flou, câest la vision pĂ©riphĂ©rique.
Votre ongle ne reprĂ©sente environ que 1 degrĂ© de votre champ de vision. Autre exemple : face Ă un Ă©cran dâordinateur situĂ© Ă 50 centimĂštres de vous, vos yeux ne voient net que sur une surface Ă©quivalente à ⊠± 2,54cm.
Le monde est f(l)ou
Ce nâest donc pas lâĆil qui regarde mais bien le cerveau. Ce dernier dĂ©cide de tout : oĂč aller, quel type dâinformations chercher, lesquelles garder et comment les traiter.
LâĆil permet de tout voir mais le cerveau ne regarde que ce quâil a classifiĂ© comme « important », par anticipation. Ces choix se traduisent par des fixations oculaires sur des points oĂč la vision sera nette, le reste devenant progressivement flou.
Ce nâest ici ni une hypothĂšse, ni une ⊠vue de lâesprit, mais bien lâexplication scientifique de la maniĂšre dont nous percevons le monde qui nous entoure.
Pour ĂȘtre capable de voir lâensemble du monde extĂ©rieur avec une acuitĂ© de 100%, le volume de votre cerveau devrait ĂȘtre 500 fois plus gros que celle aujourdâhui prĂ©sente dans votre crĂąne. Vous imaginez la grosse tĂȘte !
Le cerveau reçoit dâun cĂŽtĂ© 100 images floues par seconde (parcellaires, en basse-rĂ©solution, dĂ©formĂ©es, avec trĂšs peu de couleurs) et de lâautre, 3 Ă 4 images nettes par seconde (dĂ©taillĂ©es, en haute-dĂ©finition et en couleurs).
« Voir » permet donc au cerveau de se faire ultra rapidement une idĂ©e gĂ©nĂ©rale de la situation, de ce qui se dĂ©roule dans le champ de vision. Tout en gardant un Ćil sur ce qui se passe aux alentours. Il peut regarder un dĂ©tail et puis un autre avec un degrĂ© de prĂ©cision accru mais avec une vitesse beaucoup plus lente. Quelle magie ! En clair, 97% de ce que les humains voient est flou. En permanence.
Et sur les écrans, comment fonctionne les vision fovéale et périphérique ?
Sur une interface, c'est la mĂȘme chose. Le cerveau repĂšre les composants graphiques avec la vision pĂ©riphĂ©rique.
La vision périphérique permet de sélectionner dans le champ visuel complet une information que le cerveau évalue comme pertinente pour réaliser avec succÚs la tùche souhaitée.
DÚs qu'il souhaite avoir une information plus précise, il oriente l'oeil vers la zone pour en extraire le contenu avec une acuité maximale à l'aide de la vision fovéale.
Avant d'envoyer l'oeil, le cerveau va d'abord, de maniÚre non-consciente pour l'utilisateur, essayer de retirer un maximum d'informations en vision périphérique.
Comme la vision pĂ©riphĂ©rique est floue, le cerveau va plutĂŽt dĂ©duire quâanalyser en dĂ©tail chaque zone.
Au royaume des aveugles, le borgne est roi
Cette évidence est pourtant encore trop peu ancrée dans la conception de supports digitaux ou autres par les entreprises.
Depuis longtemps et jusquâĂ prĂ©sent, la majoritĂ© des Ă©crans ont Ă©tĂ© conçus ⊠à lâaveugle !
Exemple, tous ces « carrousels » ou « kiosques » ayant fleuri sur les sites pour tenter de booster la promotion de produits.
Perception du cerveau : « Je vois en vision pĂ©riphĂ©rique un grand rectangle. La forme-mĂȘme de produits ou messages dont je nâai aucunement besoin et que, 99% du temps, je zappe. RĂ©sultat : jâassocie cette forme Ă la catĂ©gorie « prĂ©dateur ». Je vais donc Ă©viter de regarder la zone prĂ©cise quâelle occupe ».
Quel enseignement tirĂ© de ces exemples trĂšs courants pour dĂ©finir ce quâest une expĂ©rience ? Il saute ⊠aux yeux que les services et produits doivent prioritairement ĂȘtre conçus pour la vision pĂ©riphĂ©rique.
Tout doit ĂȘtre pensĂ© pour aider le cerveau Ă voir lâabsence de prĂ©dateurs et Ă faciliter la dĂ©tection de proies avant quâil puisse les regarder en dĂ©tail.
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